LE JEU D’ORCHESTRE EN PRISON : SAISON 1
Le projet « Jeu d’Orchestre » développé par l’Université Charles de Gaulle Lille 3 dans le cadre du programme « Chercheurs Citoyens » porté par la Région Nord Pas de Calais, accompagné par Hors Cadre et le Centre de formation italien Esagramma, en partenariat avec la Direction Interrégionale des Services Pénitentiaires Nord Pas de Calais Picardie Haute Normandie vient d’être officiellement lancé.
Après une journée de séminaire à Lille 3 le 2 février, l’orchestre participatif composé de 20 musiciens, étudiants, chercheurs, citoyens s’est rendu dans cinq établissements pénitentiaires de la Région pour partager des journées de travail et de rencontre avec les personnes détenues. A l’issue de la plupart de ces journées, musiciens et non-musiciens ont joué ensemble, au cœur de la détention, pour un public composé de personnes détenus et de personnels pénitentiaires.
Le Jeu d’Orchestre c’est ainsi produit le 13 février à la Maison d’Arrêt de Béthune, le 29 février à la Maison d’Arrêt d’Arras, le 1er mars au Centre Pénitentiaire de Maubeuge, le 2 mars au Centre de Détention de Bapaume et le 5 mars au quartier Hommes de Valenciennes.
Le Jeu d’Orchestre interviendra également, sous la forme de stage, du 23 au 27 avril à l’Etablissement Pour Mineurs de Quiévrechain et du 23 mai au 21 juin au quartier Hommes de la Maison d’Arrêt de Valenciennes.
Visionner les diaporamas "Le jeu d’orchestre" dans les établissements pénitentiaires :
Le projet « Jeu d’Orchestre » s’inscrit dans la continuité des actions artistiques et de recherche réalisées par l’Université de Lille 3 vers les personnes placées sous-main de justice et incarcérées dans les établissements pénitentiaires de la région Nord – Pas de Calais.
Il prolonge la convention de partenariat conclue en octobre 2009 entre l’Université Lille 3, la Direction Inter-régionale des Services Pénitentiaires du Nord Pas-de-Calais et l’association Hors-Cadre, en charge de la mission de développement culturel en milieu pénitentiaire pour le Nord – Pas de Calais.
Le projet s’inscrit dans le cadre du programme Chercheurs-Citoyens développé par la Région Nord Pas de Calais visant à promouvoir des programmes de recherche reposant sur une collaboration entre laboratoires de recherche et organisations à but non lucratif.
En favorisant la participation de la société civile à la production des connaissances, ce dispositif vise à renforcer les processus de démocratie participative en Nord-Pas de Calais, ainsi qu’à diversifier les sources potentielles d’innovation sociale. Il doit également permettre de diversifier les acteurs potentiels de l'innovation en mobilisant la société civile, source d’« innovation ascendante » et en renforçant le dialogue entre chercheurs et citoyens, entre science et société. Dans ces projets de recherche partenariaux, la mise en œuvre de processus de collaboration continue et d’apprentissage mutuel devrait favoriser une recherche novatrice pour la production de connaissances nouvelles, élément essentiel de la vie et du développement social et culturel des citoyens.
Télécharger le dossier : http://www.nordpasdecalais.fr/recherche/telechargements/appel.pdf
Les objectifs généraux du projet
La prison est un univers sensoriel et sonore violent, qui génère un rapport au temps dans lequel s’inscrit naturellement la musique en tant qu’art du temps. Dans cette institution totale qui surveille et régule tous les espaces de vie des personnes, il s’agit d’inscrire une pratique qui puisse rompre cette temporalité carcérale et la rendre créatrice.
L’objectif est de vivre une expérience humaine autant que musicale et de créer un espace privilégié de liberté (le dispositif orchestral), qui puisse générer, par l’écoute et le jeu, un travail sur soi pouvant donner lieu à une transformation chez les participants grâce à la relation de confiance établie entre eux.
Vivre l’orchestre signifie partager et travailler la richesse d’un espace personnel et d’un espace collectif qui grandissent ensemble grâce aux pouvoirs que possède la musique : être envahissante mais pas intrusive ; faire interagir ; faire prendre conscience de la complexité de notre être et de ses modulations infinies ; laisser sur le seuil d’espaces intimes inexplorés en privilégiant l’écoute, le respect, l’encouragement et la valorisation, la capacité d’élaborer la résonance et de se moduler afin d’atteindre une sécurité progressive par l’appropriation de stratégies visant à traiter, harmoniser et gérer la limite.
Stratégies et méthodes
La méthodologie utilisée est celle d’Esagramma, www.esagramma.net une méthodologie d’apprentissage de la musique par l’orchestre, mise au point pendant vingt-cinq ans par Licia Sbattella, musicienne, chef d’orchestre, bioingénieur et directrice scientifique de « Esagramma », centre de réadaptation spécialisé sur la musique et les Nouvelles Technologies dans les troubles cognitifs et de santé mentale.
La méthodologie s’inspirera d’une démarche constructiviste de recherche-action. On partira de l’expérience sur le terrain pour construire la problématique et l’analyse au fur et à mesure des séances.
Dans le cadre de ce projet, trois typologies de personnes sont appelés à interagir : les personnes détenues (Hommes, Femmes, Mineurs, Courtes peines, longues peines), les personnes extérieures au milieu pénitentiaire (universitaire, chercheurs, musiciens), les personnes relais (personnels de l’administration pénitentiaire : directeurs, surveillants, travailleurs sociaux).
La rencontre ne va pas de soi. Elle devra vaincre de nombreux obstacles parmi lesquels la pratique d’un langage commun. La méthodologie a été retenue car elle a démontré son efficacité dans l’instauration d’une convergence entre des participants d’horizons différents : la nécessité de lier l’engagement des chercheurs avec une pratique sur le terrain ne peut que renforcer le regard critique à l’égard du langage universitaire, souvent hermétique, et de ses cadres de référence, éloignés des réalités de la vie.
Les personnes relais peuvent être amenées à confronter leur expérience de l’action avec des courants de pensée (en philo, psycho, socio…) afin de mieux cerner leur propre savoir. Quant aux personnes détenues, elles peuvent avoir besoin du savoir universitaire pour prendre de la distance par rapport à leur vie et à leurs affects.
Les universitaires ont défini le savoir à travers des critères qui ne donnent pas la priorité au savoir vécu, généralement réinterprété dans des catégories intellectuelles a priori. Cela oblige à repenser la relation entre l’expérience de vie et la science qui le plus souvent, ne laisse pas de place à l’expérience existentielle. Si le langage universitaire est un savoir objectivé, déjà formulé, les savoirs d’expérience sont incorporés à la personne et difficiles à exprimer sans un travail préalable. On se demandera comment construire un langage commun et des concepts qui soient accessibles à tous.